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INDUSTRIALISATION AGRICOLE
19.06.2015

1000 Vaches : une forte mobilisation à Amiens des paysans et de la société civile

17.06.2015 - AMIENS.
Nous y étions, nous en sommes revenus épuisés après 1800 km en 36h, mais nous en sommes revenus gonflés à bloc. Motivés de voir entre 2 et 3000 personnes soutenir durant toute la journée par leur présence dans la ville d'Amiens et devant le palais de justice les 9 prévenus, manifester leur opposition à l'industrialisation de l'agriculture.

Beaucoup de temps forts durant cette journée de procès ; les témoignages des 9 prévenus bien sûr venus nous dire comment ils vivaient ce procès, pourquoi ils s'étaient engagés dans cette action symbolique de démontage de la machine à traire des 1000 vaches, comment ils ressentaient la criminalisation demesurée de leur acte.

Limpide et vibrante, la prise de parole d'Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, témoin moral de ce procès qui a plaidé l'état de nécessité de cet acte contre les ravages d'un modèle agricole à bout de souffle.

Il y aurait beaucoup à dire des interventions des un-es et des autres mais ce que je retiendrai de cette journée c'est la capacité qu'a la Confédération paysanne à mobiliser la société civile. A celles et ceux qui reprochent à la Conf' son manque de corporatisme, il faudrait qu'ils vivent un jour une journée comme celle du 17 juin pour écouter et comprendre pourquoi des syndicalistes ouvriers, des syndicalistes enseignants, des syndicalistes de la magistrature, l'association pour le Droit au Logement, La Ligue des droits de l'homme, des partis progressistes, des associations environnementales, des dizaines d' associations citoyennes, des paysan-nes d'autres continents ... et j'en oublie; pourquoi toutes et tous se sentent concerné-es par le combat de la Conf' et pourquoi la Conf' a tissé des liens avec elles/eux.

Bien sûr elles/ils comptent plus sur le paysans que sur l'industrie agroalimentaire pour les nourrir et présever l'envirronnement; mais comme les 9 inculpés, elles/ ils sont toutes et tous concerné-es par la répression et par l'arsenal des lois qui peu à peu réduit l'action citoyenne, syndicale ou militante à une peau de chagrin.

Qu'à celà ne tienne, les milliers de personnes présentes n'avaient pas de chagrin, plutôt la rage et la bonne humeur, l'espoir et l'envie de se battre contre un modèle économique qui tend à les priver, elles et eux citoyen-es, d'un choix de société. Il fallait être à Amiens pour comprendre que d'autres mondes sont possibles, que nos classes dirigeantes appartiennent au passé et qu'à la fin "c'est nous qu'on va gagner".

Olivier Lozat

L'appel d'Amiens

Texte lu le 17 juin 2015, à l'issue du procès en appel des neuf militants de la Confédération paysanne poursuivis pour des actions menées sur le site de l'usine des 1000 vaches.
 

Nous sommes paysans… Etre paysan, c'est vouloir être libre, travailler au rythme des saisons, travailler avec la nature, les animaux… Etre paysan, c'est se voir confier cette noble tâche : produire pour l'alimentation de tous !

Alors, partout dans le monde, des centaines de millions de paysans produisent de la nourriture, en lien avec leurs territoires... et ils en sont fiers !

Ces dernières décennies, nous, paysans des pays riches, avons commencé à perdre quelques fragments de notre métier, à perdre surtout de l'autonomie. La banque, permet l'emprunt, mais impose aussi les options de production. Les industriels fournissent matériel, semences et produits de traitement, parfois nécessaires mais qui enchaînent les paysans à une recherche infinie de rendement. Les grandes chaînes de distribution assurent la commercialisation des produits – elles imposent aussi le prix payé aux paysans et obligent à produire du volume pour assurer un revenu. Beaucoup de lois et de réglementations ont accompagné cette mise en dépendance du métier de paysan.

Tout se passe comme si le paysan mettait sa force de travail à disposition d'employeurs puissants, souvent invisibles, et impitoyables. Pour beaucoup d'entre nous, l'autonomie du paysan n'est plus qu'un rêve, et la prolétarisation du métier se confirme.

Cette évolution s'accélère aujourd'hui, brutalement : usines à vaches, serres géantes à tomates, énormes surfaces de production de céréales… Avec ces gigantesques entreprises qui créent une pression maximale sur les paysans et qui accaparent les terres, il y a une réelle volonté d'industrialiser l'agriculture !

Les acteurs de l'agro-industrie ont d'abord investi à leur profit les outils d'amont et d'aval, souvent créés et mis en place par les paysans. Ils s'emparent maintenant du cœur même de notre métier : la production. Ils veulent appliquer les mêmes logiques industrielles : concentration, mise en situation de monopole, recherche du coût de production toujours plus bas, à n'importe quel prix, les travailleuses et travailleurs comme variable d'ajustement… effroyable logique qui pense pouvoir s'affranchir de la moindre considération pour ceux qui en sont victimes !

L'industrialisation de l'agriculture, de la bouffe abondante et bon marché prétend être l'assurance d'une alimentation suffisante pour l'humanité, avec ce qu'elle impose comme coûts sociaux, écologiques et climatiques ! Elle est surtout la réponse cynique à la paupérisation des populations par les politiques libérales, et le meilleur moyen de mieux les ponctionner par les loyers, les transports, ou les marchandises à obsolescence programmée... C'est l'intolérable réalité d'une nourriture qui n'a plus de lien avec la terre, qui n'est que production artificielle imposée par les logiques standardisantes du business et du commerce international, pure destruction du mode alimentaire des peuples, totale négation du principe de souveraineté alimentaire, de la liberté de chacun de choisir son alimentation.

On nous place sous la dépendance alimentaire de quelques grands groupes industriels et financiers, assurant ainsi notre soumission. Car c'est aussi leur domination politique qui est en jeu, telle qu'elle se manifeste déjà dans les Accords de Libre-échange actuellement négociés par l'UE** avec l'Afrique de l'Ouest, les États-Unis ou le Canada.

Nous ne pouvons pas laisser faire, nous soumettre à cet ordre des choses, comme si tout cela était l'ordre inéluctable de l'évolution de l'humanité ! En n'agissant pas, nous nous rendrions coupables, nous deviendrions complices de ceux qui régissent le monde à leur unique profit. Nous avons le devoir de nous remettre en question, de tout remettre en question !

Alors oui, il faut agir. Les alternatives se multiplient, partout, elles essaiment sur cette envie qui bouillonne de dire NON, de faire autrement. Elles sont l'image de ce que nous pouvons devenir, elles font vivre l'espoir qu'une autre société est possible. Alors rejoignons-les, agissons chez nous, partout, au quotidien, sans relâche. Donnons-nous les moyens de l'espoir !

Mais cela ne suffira pas… Le libéralisme se nourrit aussi de nos utopies, il les avale et les recrache, pour mieux avancer. Notre engagement doit être collectif, il doit être politique ! Les attaques quotidiennes sur nos espoirs ne doivent pas parvenir à nous faire baisser les bras ! L'histoire récente est pleine de victoires, ne l'oublions pas ! On peut gagner !

Alors attachons-nous à nos causes communes. Nous, paysans, battons-nous pour notre autonomie et nos savoir-faire. Nous paysans, avec vous tous, citoyens, luttons contre l'industrialisation de l'agriculture qui veut nous balayer. Nous tous, citoyens, pas seulement consommateurs, revendiquons le choix de notre alimentation. Nous tous, citoyens, refusons de brader notre démocratie à la surveillance généralisée et au bon vouloir des multinationales.

Réinventons notre engagement politique. Prenons conscience que nous avons le pouvoir, exerçons-le ensemble !

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